De l’amour du métier à l’exil : Anderson nous raconte son histoire

Le 12 mai au lycée Jacques Feyder, se tenait une conférence avec l'exilé haïtien, Anderson D. MICHEL. La rencontre a eu lieu à l'occasion de l'atelier Sciences Po du lycée, dans le cadre du programme de sensibilisation "Renvoyé spécial" de la Maison des journalistes en partenariat avec le CLEMI et le Ministère de l'Éducation nationale.

C’est dans une salle d’une quinzaine d’auditeurs composée d’élèves allant de la terminale à la première, d’enseignants et de personnels de la mairie qu’Anderson, présent en France depuis deux ans va mettre un mot sur son histoire.

Le début d’un cauchemar :

Anderson était le journaliste principal d’une émission hebdomadaire qui tournait tous les vendredis de 19 heures à 20 heures en Haïti. Cette émission traitait de sujets sensibles sur lesquels les habitants du pays fermaient les yeux pour leur sécurité. Ce dernier, lors de son émission abordait des sujets tels que la corruption des politiciens, les fonds pétro caribéens, le massacre de la Saline (une journée de massacre et de viol en masse en 2018), l’implication du Président, etc. Il nous raconte qu’il aimait son métier ainsi que son pays, raison pour laquelle il ne s’arrêtait pas de dénoncer, et ce, malgré des menaces à répétition qu’il recevait à partir de février 2019. Ses menaces se traduisaient par des appels à répétition, menace contre sa famille ou pillage de sa maison. Pour ce dernier, la liberté de la presse devait gagner.

Malgré tout ça je n’ai pas abandonné le journalisme, j’aime ce que je fais…  :

Le 24 mai 2019, en sortant de son émission, un homme a tenté de l’assassiner. C’est suite à cet événement que malgré ses convictions, il décide, avec les conseils de ses collègues journalistes, de quitter le sol haïtien et sa famille. Lors de son arrivée en France le 24 juin 2019, il a appris à se reconstruire. Il a été à la rue sans logement et sans nourriture, il a dû faire des démarches administratives qui étaient difficiles pour lui. La souffrance a été grandissante jusqu’à ce qu’on l’oriente vers la maison des journalistes exilés, où il a pu être logé, nourri et accompagné dans ses démarches administratives et vers une assistante sociale. Un milieu où il a su se reconnaître, car il s’y trouvait des exilés de plusieurs pays du monde. Il est aujourd’hui journaliste intervenant et continue d’écrire sur les sujets sensibles qui concernent son pays.

L’Haïti connaît une crise générale à cause de la mauvaise gestion des hommes politiques :

Anderson revient sur le massacre des journalistes de son pays. Il nous raconte que cette situation dure depuis des décennies, dans les années 2000 des assassinats à répétition de journalistes s’effectuaient sans qu’aucune mesures ne soient prises. Le journalisme est un métier à risques et tout particulièrement sur cette île. En plus de cette crise, d’après ses termes, le pays connaît une « crise générale » : dans le domaine scolaire, hospitalier et de la migration. Il regrette la l’influence que subissent les hommes politiques haïtiens par les États-Unis.

La conférence, s’est poursuivie par des questions d’élèves et d’enseignants, les voici :

  • « Vous traitez toujours ce sujet ? »

« Oui, j’ai écrit environ 12 articles anonymes »

  • « Pourquoi ce métier ? »

Il rit et raconte une anecdote « Quand j’ai dit à ma mère que je voulais faire ce métier elle m’a répondu « Tu veux te suicider ? Je t’ai éduqué pour ça ? » », il finit par répondre que c’est l’humanité et l’utilité du métier qu’il aime.

  • « Quel est la différence entre la France et l’Haïti ? »

«  Je ne veux pas vraiment faire de comparaison parce que ça n’a rien à voir,  mais je peux vous dire que la situation des journalistes n’est pas simple en France non plus. »

  • « Vous conseillerez les jeunes de faire ce métier ? »

Il sourit et dit « Je n’ai pas arrêté mon métier même avec ce que je vis, donc je ne pourrais pas dire à un jeune de ne pas entrer dans le métier, mais je le mettrais en garde ».